De la théocratie à la sécularisation, le Québec a évolué au cours du dernier siècle. Mais, désormais, est-il sur la voie de la déchristianisation ? Les années 2000 ont connu une accélération de la baisse de la fréquentation aux offices religieux, mais on constate une augmentation toute aussi importante des « Sans-religion ». On aurait cependant tort de croire qu’il s’agit là d’une situation proprement québécoise. Et ce n’est pas non plus limité aux Catholiques. En fait, des projections récentes laissent entrevoir la disparition de majorités chrétiennes dans des pays traditionnellement chrétiens.
La sécularisation est le déclin de l’influence de la religion organisée selon trois dimensions majeures : institutionnelle, personnelle et organisationnelle. Selon Reginald W. Bibby et Isabelle Archambault, lorsque la sécularisation survient :
« La religion perd le contrôle sur des sphères comme l’éducation, la politique, l’économie et la santé. Elle est souvent reléguée aux questions relatives à la signification, à la morale et à la mort, ou encore à la célébration des rites de passage. Sur le plan personnel, les individus ne sont pas aussi enclins que leurs prédécesseurs à participer à une religion organisée, vivant des vies très compartimentées qui ne sont pas travaillées de façon importante par la foi. Les religions organisées continuent d’exister, mais n’ont plus qu’un rôle très précis et limité. »
La sécularisation n’est pas un phénomène propre au Québec selon la plupart des auteurs dont É.-Martin Meunier et Sarah Wilkins-Laflamme. Mais elle s’est faite plus rapidement. Par ailleurs, au Québec, même sur les questions relatives à la signification, à la morale et à la mort, on ne souhaite pas l’intervention de la religion : elle a cependant encore sa place pour certains rites de passage.
La fréquentation à un office diminue et les Sans-religion augmentent au Québec
La fréquentation d’un office religieux est un des indicateurs de cette sécularisation. Ainsi, pour l’ensemble des Québécois, toutes confessions religieuses confondues, la participation à un office religieux, au moins une fois par mois, a fléchi considérablement comme l’illustre le graphique suivant :
Alors que 42 % des Québécois fréquentaient un office religieux au moins une fois par mois en 1975, seuls 17 % affirmaient en faire autant en 2011.
La déchristianisation peut quant à elle se vérifier par une augmentation des « Sans-religion » au détriment des religions chrétiennes lorsqu’on observe l’appartenance religieuse.C’est ce que démontre le graphique suivant :
La proportion de Québécois se disant catholiques a fléchi plus rapidement durant les années 2000 passant de 83 % en 2001 à 74,7 % en 2011. Les Québécois se disant sans religion (pas nécessairement athée) ont, en contrepartie, connu une augmentation marquée de 6 % en 2001 à 12 % en 2011.
En 1961, 97 % de la population se disait chrétienne. En 2011, 17,8 affirmaient ne pas appartenir à une religion non-chrétien pour 82,2 % qui se disaient chrétiens.
En fait, selon un sondage CROP (2006) cité par Sarah Wilkins-Laflamme du Centre d’études ethniques des universités montréalaises (CEETUM) 79,5 % des Québécois affirment croire en Dieu. Comme il y en a moins de 12 % qui se disent sans religion, cela signifie qu’il y en a au moins 8 % qui appartiennent à une religion sans croire en Dieu. Par ailleurs, selon l’enquête sociale générale 2011 de Statistique Canada, toujours citée par Sarah Wilkins-Laflamme, 33,4 % des Québécois disent prier ou méditer une fois la semaine.
La proportion des Chrétiens va diminuer dans le monde
À l’échelle mondiale, selon des projections toutes récentes, le Pew Research Center, tire les conclusions suivantes pour l’année 2050 :
- Le nombre de musulmans rejoindra le nombre de chrétiens;
- Les « Sans-religion » vont augmenter dans certains pays, mais leur proportion va diminuer à l’échelle mondiale;
- La population bouddhiste changera peu alors que les populations juives et hindoues vont augmenter;
- En Europe, la population musulmane va augmenter de 10 %;
- En Inde, bien que les Hindous continueront à être majoritaires, les Musulmans y seront plus nombreux qu’ailleurs, y compris en Indonésie;
- Aux États-Unis, alors que les Chrétiens constituent 75 % de la population en 2010, ils ne seront plus que 66 % de la population en 2050. Le Judaisme n’y sera plus la deuxième religion : l’Islam l’aura dépassé en 2050;
- 40 % des Chrétiens vivront en Afrique subsaharienne.
Le tableau suivant donne la progression numérique des grandes religions selon les projections :
Confession |
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Croissance 2010-2050 |
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Chrétiens | 2 168 330 000 | 31,4 | 2 918 070 000 | 31,4% | 749 740 000 | ||||||||
Musulmans | 1 599 700 000 | 23,2 | 2 761 480 000 | 29,7% | 1 161 780 000 | ||||||||
Sans-religion | 1 131 150 000 | 16,4 | 1 230 340 000 | 13,2% | 99 190 000 | ||||||||
Hindous | 1 032 210 000 | 15,0 | 1 384 350 000 | 14,9% | 352 140 000 | ||||||||
Bouddhistes | 487 760 000 | 7,1 | 486 270 000 | 5,2% | (1 490 000) | ||||||||
Religions traditionnelles | 404 690 000 | 5,9 | 449 140 000 | 4,8% | 44 450 000 | ||||||||
Autres religions | 58 150 000 | 0,8 | 61 450 000 | 0,7% | 3 300 000 | ||||||||
Juifs | 13 860 000 | 0,2 | 16 090 000 | 0,2% | 2 230 000 | ||||||||
Total | 6 895 850 000 | 100,0% | 9 307 190 000 | 100,0% | 2 411 340 000 | ||||||||
Source: The Future of World Religions: Population Growth Projections, 2010-2050 Pew Research Center |
Selon le Pew Research Center, Ces modifications démographiques sont imputables à la croissance démographique provoquée par la natalité. La fécondité est plus élevée dans les pays en voie de développement où se retrouvent la majorité des musulmans. C’est ce qui explique cette croissance.Ainsi en est-il des pays de l’Afrique subsaharienne où ce sont les chrétiens qui ont une forte fécondité..
Des pays historiquement chrétiens se déchristianisent
Dans les pays développés, la croissance des « Sans-religion » aura un effet sur certains pays. Le tableau suivant donne un aperçu d’une déchristianisation numérique de pays où les chrétiens formaient la majorité. On peut noter que si la France est un pays à majorité catholique, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ne le sont pas.
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Australie | Chrétiens | 67,3 | Chrétiens | 47 | ||||||||
Royaume-Uni | Chrétiens | 54,3 | Chrétiens | 45,4 | ||||||||
Bénin | Chrétiens | 53 | Chrétiens | 48,5 | ||||||||
France | Chrétiens | 63 | Sans-religion | 44,1 | ||||||||
République de Macédoine | Chrétiens | 59,3 | Musulmans | 56,2 | ||||||||
Nouvelle Zélande | Chrétiens | 57 | Sans-religion | 45,1 | ||||||||
Bosnie-Herzégovine | Chrétiens | 52,3 | Chrétiens | 49,4 | ||||||||
Pays-Bas | Chrétiens | 50,6 | Sans-religion | 49,1 | ||||||||
Source: The Future of World Religions: Population Growth Projections, 2010-2050 Pew Research Center |
On peut comprendre de c es données pourquoi le Vatican s’oppose au contrôle des naissances puisque la fécondité est le mode d’accroissement démographique des religions. Cependant, on constate que les religions semblent incapables de s’adapter au monde développé. Les seuls ajustements aux valeurs de ces sociétés sont insuffisants puisque les sociétés chrétiennes autres que catholiques sont aussi frappées par la déchristianisation. Les causes actuellement identifiées de l’inadaptation des religions sont probablement vraies mais il y en a d’autres, plus profondes, qu’on ne semble pas vouloir affronter.
Ça peut se corriger. Il faut qu’ils soient mieux informés des cotés positifs de l’église et moins de ses cotés négatifs. Et l’église n’est pas qu’une morale.